L’hospitalisation privée à but non lucratif représente 65 000 lits et places (hors centres de lutte contre le cancer). Les Etablissements de Soins Privés sans Intérêt Commercial (ESPIC) en font partie. Leur gestion étant de droit privé, mais sous tutelle financière des ARS, ils sont le laboratoire de ce qui se prépare pour le secteur public de la Santé.
Ils comprennent des structures de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO), des établissements de Soins de Suite et de Rééducation (SSR), des structures de soins à domicile - tels les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) - et des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes (EHPAD).
Les ESPIC sont pour la plupart signataires de conventions collectives ( CCN51 : établissements Privés d’hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif , CCN 66 :établissements pour personnes inadaptées et handicapées, CCNT 65 : secteur sanitaire social et médicosocial...), un peu plus favorables au salarié que le droit du travail. Beaucoup sont dénoncées par les directions et font l’objet de nouvelles négociations avec les syndicats.
Dans ce contexte de renégociation des conventions collectives, et la loi HPST ayant accru le pouvoir des directeurs d’hôpitaux, il est urgent de rééquilibrer les rapports de force entre directions et personnel médical, en élisant des médecins syndiqués CGT dans les instances représentatives du personnel (CE, CHSCT), ce qui n’est pas possible dans la fonction publique hospitalière.
1. L’habitus médical
Les médecins non chefs de service ne sont pas préparés à contester le management de leurs supérieurs hiérarchiques, relais des orientations données par les directions des hôpitaux.
En voici quelques explications :
• une époque récente où les chefs de service étaient des "mandarins" qui disposaient d’un pouvoir étendu vis à vis de l’administration, une formation des médecins fondée sur le compagnonnage, une tradition et un code de déontologie enseignant le respect des maîtres, une origine sociale majoritairement issue de cadres et professions intellectuelles supérieures (45% des médecins ont des parents de ces catégories selon l’étude de l’INSEE pour 2002-2006 ).
• une féminisation continue de la profession et « le plafond de verre » : selon le CNOM en janvier 2014, 49 % des médecins inscrits à l’Ordre sont des femmes. Celles ci s’orientent davantage vers une activité salariée que les hommes et restent pourtant moins bien représentées qu’eux dans les chefferies de service
2. Les effets de la loi HPST sur les ESPIC
• Le maintien de la tutelle financière des ARS, une CME dont les avis sont consultatifs, un pouvoir accru des directeurs d’hôpitaux, avec une gestion des effectifs plus "souple" que dans le public : licenciements individuels ou collectifs (plans sociaux) plus faciles. Les directeurs d’hôpitaux demandent aux chefs de service d’augmenter l’activité de leurs service en maîtrisant leurs dépenses en personnel.
• Ces chefs de service sont recrutés sur des objectifs dont ils doivent rendre compte aux directions. Ils peuvent être récompensés par des primes quand ils les remplissent.
• La contestation est parfois considérée comme une absence de loyauté envers les maîtres "patrons", les chefs de service continuant à se comporter en mandarins paternalistes alors qu’ils ont perdu l’essentiel de leur pouvoir. N’étant pas (ou peu) formés en droit du travail et en management ils transmettent la pression des directions sur leur équipe médicale de façon parfois abusive, voire constitutive de harcèlement.
• Sont particulièrement fragilisés dans leur position dans les ESPIC les CDD (parfois recrutés sur contrat d’objectif), les médecins à diplôme étranger , les spécialités médicales ayant moins de facilités à s’installer en libéral , les chefs de familles monoparentales, les femmes (liste non exhaustive)...
3. De l’intérêt d’établir un rapport de force en utilisant les possibilités offertes par le syndicalisme
Les ESPIC sont des structures relevant du droit privé. A ce titre, les médecins appartiennent à la catégorie des cadres et participent aux élections des représentants syndicaux siégeant dans les instances représentatives du personnel (IRP) En participant aux élections des instances représentatives du personnel (CHSCT et CE), les médecins peuvent constituer un contre pouvoir rendu nécessaire par les réformes de la Santé.
Les cadres médicotechniques, encore plus isolés que les médecins en bénéficieraient également.
Les représentants syndicaux ont un rôle majeur à jouer dans la prévention individuelle et collective des risques psycho-sociaux qui n’épargnent pas les médecins : le collectif des médecins CGT défend de nombreux confrères. Les médecins élisent, comme dans les hôpitaux publics, leurs représentants en CME. Malheureusement la composition des CME n’est pas représentative puisque les chefs de service y ont 50% des sièges, alors que les non chefs de service sont beaucoup plus nombreux. Mais les séances de CME peuvent être le lieu d’une prise de parole diffusée ensuite par procès verbal à l’ensemble des médecins/cadres de l’hôpital.
4. Conclusion
Les syndicats (CFDT, CFE-CGC, CFTC, FO) signent trop souvent des accords locaux défavorables aux cadres et aux médecins.
Soyez représentés par un syndicat qui lutte pour le maintien de soins de qualité sans aggraver la souffrance au travail : votez CGT (et soyez candidats) aux élections des instances représentatives du personnel !
Article paru dans la lettre du collectif des médecins N°14, disponible ici avec les dessins de Faujour