Un Flash Info LDAJ sur ce sujet est disponible en pièce-jointe.
La présomption de démission en abandon de poste
Cet article L. 1237-1-1 du Code du travail précise que « le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier de son absence et de reprendre son poste par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, dans le délai fixé par l’employeur est présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai. »
Le Décret d’application n°2023-275 a été publié avec la création de l’article R. 1237-13 du CdT qui vient préciser les conditions de mise en œuvre de cette présomption d’abandon de poste à décrypter au regard du « questions réponses » du ministère du Travail publié sur Internet.
La procédure de mise en demeure de l’employeur
Pour que l’employeur puisse se prévaloir de la présomption d’abandon de poste, une procédure de mise en demeure doit être préalable.
Le salarié peut faire valoir un motif légitime qui paralyse cette procédure et un délai minimal doit être respecté pour demander au salarié de reprendre son poste.
L’employeur doit mettre le salarié en demeure par LRAR ou par lettre remise en main propre contre décharge (art. R 1237-13 al 1).
Le « Questions/ réponses » publié par le Ministère du travail prévoit que cette mise en demeure doit aussi mentionner : le délai dans lequel le salarié doit reprendre son poste ; le fait de demander au salarié la raison de son absence ; l’employeur doit également rappeler que, passé ce délai faute pour le salarié d’avoir repris son poste, il sera démissionnaire avec possibilité de mentionner le préavis de démission.
Concernant le délai fixé pour reprendre le travail qui est de 15 jours minimum (article R 1237-13 alinéa 3), l’employeur ne peut donc pas fixer un délai inférieur à 15 jours. Il peut bien sur par contre, fixer un délai supérieur. Dans le questions/réponses, le Ministère indique que ce délai se calcule en jours calendaires donc week-end et fériés compris ! (Q/R n°2). Le délai ne court qu’à compter de la présentation du courrier par les services de la poste au domicile du salarié si le courrier est envoyé en RAR. Le salarié ne sera considéré comme démissionnaire qu’au jour de la date de reprise du travail fixée par l’employeur pas avant même s’il a répondu avant par courrier pour indiquer qu’il ne reviendra pas.
Ainsi, il faudra bien vérifier, si un salarié est réceptionnaire d’un tel courrier, les mentions y figurant car une mise en demeure peu précise pourrait invalider la procédure initiée par l’employeur. De plus, il ne faudra pas tarder à répondre par courrier recommandé avec AR à l’employeur vu les délais très brefs.
Une procédure à l’initiative de l’employeur
Cette procédure d’abandon de poste assimilée à une démission est à la seule discrétion de l’employeur mais surtout désormais l’employeur ne peut plus décider de traiter cette absence du salarié comme un abandon de poste classique avec mise en demeure suivi d’une procédure de licenciement.
En effet, désormais une seule option s’ouvre pour l’employeur face à un abandon de poste « présumé » du salarié :
- Si l’employeur n’engage aucune procédure, le contrat est suspendu et la rémunération n’est pas due.
- Si l’employeur souhaite rompre le contrat, il doit passer par la procédure d’abandon de poste = démission.
Le Questions / réponses du gouvernement (Q/R n°1) indique expressément que l’employeur ne peut plus engager de procédure de licenciement pour faute comme par le passé !
Donc, une vigilance particulière devra être apportée et si le salarié ne veut pas se retrouver « démissionnaire » privé de sa prise en charge par le Pôle emploi pour le chômage, il a tout intérêt à répondre à la mise en demeure de l’employeur.
Les motifs légitimes faisant obstacle à la démission - La contestation devant le CPH
Pour échapper à cette présomption de démission le salarié doit faire valoir des motifs légitimes tels que des raisons médicales, l’exercice du droit de retrait, l’exercice du droit de grève, le refus d’exécuter une instruction contraire à une réglementation, la modification du contrat de travail à l’initiative de l’employeur (article R. 1237-13 al 2).
Le salarié peut invoquer d’autres motifs dits légitimes à l’appui de son absence, par exemple : invoquer un manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur, une agression, des propos ou des actes s’apparentant à du harcèlement moral ou sexuel, à une discrimination, le refus injustifié d’exercer un droit,…
Si le salarié ne souhaite pas être déclaré démissionnaire, il doit impérativement répondre par courrier recommandé avec AR à la mise en demeure en invoquant des motifs à l’appui de son absence.
En effet, c’est le fait de garder le silence à toute mise en demeure qui permet de valider a procédure de présomption de démission. Le contrat sera rompu à défaut de réponse du salarié dans le délai et d’invocation d’un motif à l’appui de son absence avec envoi des documents de fin de contrat dont l’attestation Pôle emploi.
La rupture étant traitée comme une démission, en principe, le salarié ne se verra pas payé de son indemnité de licenciement, et pourrait même se voir demander l’exécution d’un préavis de démission (le salarié bénéficiera juste du reliquat du salaire éventuellement du et des congés payés acquis – Q/R n°11).
Le salarié se verra privé de prise en charge par Pôle emploi.
L’article L. 1237-1-1 al. 2 du CT indique que le salarié peut également contester la rupture de son contrat de travail intervenue via cette nouvelle procédure de « présomption de démission » en saisissant le conseil de prud’hommes directement en bureau de jugement qui en principe aura un mois à compter de la saisine pour statuer sur la demande du salarié. Pour autant, compte tenu de l’engorgement de nombreux conseils de prud’hommes, il ne s’agit que d’un délai théorique et la demande ne sera traitée que bien plus tardivement.
Donc, la vigilance est de mise : il faudra TOUJOURS répondre par courrier recommandé avec AR au courrier de l’employeur et invoquer des motifs, même généraux, expliquant votre absence au poste pour paralyser cette procédure.
© Le secteur LDAJ de la Fédération CGT Santé Action Sociale - Juin 2023