1. Le droit à deux jours ouvrables de congés payés par mois d’absence pour maladie non professionnelle
Assimilation des arrêts pour maladie non professionnelle à des périodes de travail effectif pour le décompte des congés payés. La loi du 22 avril 2024 prévoit un article 37 ajoutant à un 7ème alinéa à l’article L. 3141‑5 du code du travail selon lequel sont assimilées à une période de travail effectif : « les périodes pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’arrêt de travail lié à un accident ou une maladie n’ayant pas un caractère professionnel. »
Dans la limite de deux jours ouvrables par mois et de 24 jours ouvrables par an. Cette même loi ajoute un article L.3141-5-1 au code du travail qui limite à deux jours ouvrables par mois, dans la limite de vingt-quatre jours ouvrables par période de référence, le droit à congés payés acquit pendant les arrêts de travail lié à un accident ou une maladie d’origine non professionnelle :
« Art. L. 3141-5-1.-Par dérogation au premier alinéa de l’article L. 3141-3, la durée du congé auquel le salarié a droit au titre des périodes mentionnées au 7° de l’article L. 3141-5 est de deux jours ouvrables par mois, dans la limite d’une attribution, à ce titre, de vingt-quatre jours ouvrables par période de référence mentionnée à l’article L. 3141-10. »
2. Le droit au report des congés payés sur une période de 15 mois
a) Rappel des règles générales d’acquisition et de prise des congés payés.
Pour rappel, on distingue la période d’acquisition des congés payés, généralement de juin à mai, de la période de prise des congés payés l’année suivante. La prise des congés payés constitue non seulement un droit annuel au repos mais également une obligation des parties : l’employeur doit mettre en mesure le salarié de prendre ses congés annuels. A défaut il s’expose à payer des dommages-intérêts. Le salarié qui, mis en mesure de prendre ses congés annuels, ne les a pas pris n’a pas de droit automatique au report l’année suivante. Ce report des congés n’est possible que d’un commun accord des parties, qui peut être présumé par une inscription sur les bulletins de paie, ou dans des cas prévus par la loi ou la jurisprudence, notamment en cas de congé maternité, congé parental d’éducation, congé sabbatique. C’est du droit au report des congés payés en cas d’arrêt maladie ou d’accident dont il est question ici.
b) Droit au report des congés payés sur une période de quinze mois. Est prévu par le nouvel article L. 3141-19-1 du code du travail un report des droits à congés payés pour une durée de quinze mois. Pour bénéficier de ce report le salarié doit être dans l’impossibilité, pour cause de maladie ou d’accident, de prendre au cours de la période de prise de congés tout ou partie des congés qu’il a acquis.
c) Point de départ du report des congés payés. En principe, ce report débute à compter du retour du salarié dans l’entreprise, une fois que celui-ci a été informé par son employeur, dans le mois qui suit la reprise du travail, du nombre de jours congés dont il dispose et de la date jusqu’à laquelle ces jours de congés peuvent être pris.
d) Une dérogation pour les absences de plus d’un an. Pour les salariés dont le contrat est suspendu depuis au moins un an en raison de la maladie ou de l’accident d’origine non professionnelle, « la période de report débute à la date à laquelle s’achève la période de référence au titre de laquelle ces congés ont été acquis. »
Lorsque le salarié reprend le travail avant l’expiration des quinze mois suivant la fin de la période de référence, le report est suspendu jusqu’à la date à laquelle l’employeur l’informe du nombre de congés dont il dispose ainsi que de la date jusqu’à laquelle ces jours de congés peuvent être pris.
e) Possibilité d’augmenter la période de report par accord collectif. Le code prévoit la possibilité d’augmenter cette période de report par un accord collectif.
f) La perte des CP en cas de non-utilisation par le salarié alors qu’il n’en était pas empêché. Le salarié qui n’a pas été empêché de prendre les congés auxquels il avait droit et dont il n’a pas sollicité le report, les perd à la fin de la période de prise : (Cass. soc., 7 avr. 2009, n° 07-45.525).
g) Possibilité de report des CP en cas d’accord entre le salarié et l’employeur. Les congés payés ayant pour objet de garantir aux salariés une période annuelle de repos, ni l’employeur ni le salarié ne peuvent en exiger le report sur l’année suivante, sauf à ce que tous deux soient d’accord sur ce point. En pratique, le salarié ne peut reporter ses congés que s’il obtient l’autorisation expresse de sa hiérarchie : Cass. soc., 27 sept. 2007, n° 06-41.744, n° 1911 FP - P + B Cass. soc., 9 janv. 2013, n° 11-21.758
3. Exemples de reports des congés payés pour cause d’arrêt maladie ou d’accident non professionnel
Cas d’une entreprise appliquant la période légale d’acquisition du 1er juin au 31 mai.
Exemple 1
Un salarié est en arrêt de travail pour cause de maladie non-professionnelle du 1er janvier au 31 mai 2024. Au moment de son arrêt de travail, il lui restait 10 jours de congés payés au titre des exercices antérieurs.
Durant son arrêt, il a été empêché de prendre ses 10 jours de congés. À son retour dans l’entreprise le 1er juin 2024, son employeur doit l’informer des 10 jours de congés dont il dispose et de son délai de 15 mois pour les prendre.
Si l’employeur n’informe pas le salarié de ce délai, le délai de report ne court pas. Durant ses cinq mois d’arrêt maladie, le salarié a acquis 10 jours de congés payés qu’il devra prendre de manière habituelle entre le 1er juin 2024 et le 31 mai 2025.
Exemple 2
Un salarié est en arrêt de travail pour cause de maladie non-professionnelle du 1er août au 31 novembre 2024. Au moment de son arrêt de travail, il lui restait 15 jours de congés payés au titre des exercices antérieurs.
À son retour dans l’entreprise le 1er décembre 2024, son employeur doit mettre en mesure le salarié de prendre les 15 jours de congés acquis au titre de la période précédente sur la période de congés en cours jusqu’au 31 mai 2025. A défaut, les parties peuvent convenir d’un report l’année suivante. Le défaut de prise des congés annuels du fait de l’employeur l’expose à réparer le préjudice subi par cette atteinte au droit au repos annuel.
Durant ses 3 mois d’arrêt maladie, le salarié a acquis 6 jours de congés payés qu’il devra prendre de manière habituelle entre le 1er juin 2025 et le 31 mai 2026.
Exemple 3
Un salarié qui est en arrêt de travail pour cause de maladie non-professionnelle du 1er novembre 2024 au 31 mars 2026. Au moment de son arrêt de travail, il lui restait 4 jours de congés payés au titre des exercices antérieurs.
Il va acquérir au titre de la 1ère période, de juin 2024 à mai 2025 :
- du 1er juin au 31 octobre 2024 : 2,5 jours par mois soit 12,5 jours.
- du 1er novembre 2024 au 31 mai 2025 : 2 jours par mois soit 14 jours.
Soit un total de 26,5 jours de congés pour la période 2024/2025.
Pour la deuxième période, de juin 2025 à mai 2026 il va acquérir :
- du 1er juin 2025 au 31 mars 2026 : 2 jours par mois soit 20 jours.
- du 1er avril au 31 mai 2026 : 2,5 jours par mois soit 5 jours.
Soit un total de 25 jours de congés pour la période 2025/2026.
À son retour dans l’entreprise le 1er avril 2026, son employeur doit l’informer des 4 jours de congés qu’il n’a pu prendre du fait de son arrêt. A compter de la date de cette information, la prise de ces jours sera reportée dans un délai de 15 mois. (art. L. 3141-19-1 du code du travail)
Pour les congés payés acquis de juin 2024 à mai 2025, au retour du salarié le 1er avril 2026, l’employeur devra prendre les mesures pour lui permettre de bénéficier de ces jours avant le 31 mai 2026. En cas d’impossibilité, l’employeur devra informer le salarié qu’il bénéficie d’un délai de 15 mois à compter de cette information, pour poser ces jours.
Concernant les congés acquis pour la période de juin 2025 à mai 2026, le salarié devra les prendre de manière habituelle l’année suivante : entre le 1er juin 2026 et le 31 mai 2027.
4. Application rétroactive de la loi
a) Rétroactivité de la loi. Ces nouvelles règles relatives aux congés payés s’appliquent de manière rétroactive du 1er décembre 2009 au 24 avril 2024. (Article 37 de la loi du 22 avril 2024)
b) La limite des 24 jours de congés par année d’acquisition. Cette rétroactivité ne pourra conduire à ce que le salarié bénéficie de plus de 24 jours ouvrables de congés payés par année d’acquisition, après prise en compte des jours déjà acquis sur cette période.
c) Délais de forclusion de 2 ans pour le salarié toujours présent dans l’entreprise. Le salarié toujours présent dans l’entreprise pourra agir dans un délai de forclusion de 2 ans à compter du 24 avril pour réclamer des droits à congés au titre des arrêts maladie intervenus après le 1er décembre 2009 (Article 37 II. de la loi n°2024-364 du 22 avril 2024).
d) Un délai de 3 ans à compter de la fin du contrat de travail pour les salariés qui ne font plus partie de l’entreprise. Le salarié qui ne fait plus partie de l’entreprise à compter du 24 avril 2024 pourra agir contre son ancien employeur dans le respect de la prescription triennale de l’article L.3245-1 du code du travail applicable aux créances salariales. Les salariés auront alors 3 ans pour agir à compter de la rupture de leur contrat de travail.
Ainsi, cette nouvelle loi vient fixer le droit à congés des personnes en arrêt pour accident ou maladie non professionnels. Vous trouverez en annexe un exemple de courrier de mise en demeure à adresser à l’employeur.
© Le secteur LDAJ de la Fédération CGT Santé Action Sociale - Juin 2024