L’arrêt N°20-83.574 de la Cour de cassation, Chambre criminelle, du 8 juin 2021 a rejeté le pourvoi de l’employeur et a confirmé le jugement de la Cour d’Appel de Versailles qui avait condamné MEDICA FRANCE à verser une amende 18.500 € et indemniser les salariés et l’Union locale CGT de leur préjudice.
Ce jugement, en pièce-jointe dans cet article, est une victoire de la CGT pour la défense des droits des salariés et contre les recours abusifs aux CDD précaires de certains employeurs dans le secteur sanitaire, social ou médico-social.
Le jugement est en pièce-jointe dans cet article.
Historique de la situation
Suite d’une alerte donnée par les délégués du personnel et une union locale CGT sur le recours aux contrats à durée déterminée - CDD - au sein d’un établissement spécialisé pour personnes âgées dépendantes géré par la société Medica France, une enquête avait été diligentée par l’inspection du travail.
L’inspection du travail avait constaté le recours à plusieurs salariés recrutés en CDD entre 2012 et 2014 pour pourvoir au remplacement des absences normales et prévisibles des personnels en contrat à durée indéterminée de l’établissement, dont 322 CDD pour un poste d’aide-soignante et 870 CDD pour un poste d’agent de vie sociale.
La société Medica France avait été déclarée coupable du chef de conclusion de contrat de travail à durée déterminée pour un emploi durable et habituel par un jugement du TGI - Tribunal de Grande lnstance.
Les cas de recours aux CDD dans le secteur privé
L’article L. 1242-1 du Code du travail prévoit qu’un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Sous réserve des dispositions de l’article L. 1242-3 du Code du travail, l’article L. 1242-2 du même code précise qu’un CDD ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans certains cas, par exemple : Accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise, emplois à caractère saisonnier, Remplacement d’un salarié en cas de passage provisoire à temps partiel ou de suspension de son contrat de travail,...
L’article L1248-1 du même Code précise que le fait de conclure un contrat de travail à durée déterminée qui a pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise est puni d’une amende de 3 750 euros. La récidive est punie d’une amende de 7 500 euros et d’un emprisonnement de six mois.
Le recours abusif aux CDD par MEDICA FRANCE
Dans cet établissement, les CDD étaient conclus pour le remplacement de salariés et ces pratiques ne visaient qu’à pourvoir des emplois correspondant aux activités habituelles au sein de cet établissement des salariés en contrats à durée indéterminée (CDI) au sein de l’entreprise.
Pour la Cour de cassation, ces recours abusifs aux CDD caractérisaient une volonté d’avoir à disposition une main d’œuvre flexible dans cet établissement et cela était constitutif d’un abus visant, en réalité, à pourvoir durablement des emplois liés à l’activité normale et permanente de l’établissement de santé.
La Cour d’appel avait confirmé le jugement du TGI et la Cour de cassation, dans son jugement du 8 juin 2021, rejette le pourvoi de la société MEDICA FRANCE et fixe à 2500 euros la somme que la société Medica France devra payer à l’Union locale CGT.
Une saisine du CPH pour requalifier les CDD en CDI
Dans ce jugement de la Cour de cassation, Il s’agit du volet "pénal" des condamnations au titre du recours détourné aux CDD.
Toutefois, en parallèle les salariés qui ont été embauchés via de nombreux CDD en vue du remplacement général du personnel ou dont le motif de recours n’est pas avéré, sont également fondés à saisir le conseil de prud’hommes compétent pour faire requalifier le ou les CDD litigieux en CDI avec paiement d’une indemnité de requalification à titre de sanction égale à un mois de salaire (article L.1245-1 du code du travail) outre d’éventuels dommages intérêts au titre de la rupture irrégulière et sans cause réelle et sérieuse du ou des CDD requalifiés en CDI, voire une indemnité de licenciement (si le salarié a plus de 8 mois d’ancienneté) ainsi qu’une indemnité de préavis.
Ce jugement rendu par la cour de cassation, chambre criminelle, peut aussi être utilisé en appui d’une procédure initiée devant le conseil de prud’hommes afin de rappeler à l’employeur et aux juges que ce type de comportement est également pénalement répréhensible.
Le secteur juridique de la Fédération CGT Santé Action Sociale
Pour plus de renseignements, les salariés peuvent contacter le syndicat CGT local de leur établissement ou l’USD de leur département.
Pour rappel, le secteur fédéral LDAJ ne répond pas aux sollicitations individuelles des salariés qui doivent contacter leur syndicat CGT local.
Pour se syndiquer à la CGT, les salariés peuvent s’adresser à un membre du syndicat de leur établissement ou remplir le formulaire en ligne.
© Le secteur LDAJ de la Fédération CGT Santé Action Sociale - Août 2021