Dès lors, c’est le principe du libre consentement aux soins médicaux qui s’applique pour tout agent, salarié ou étudiant qui, pour des raisons qui lui appartiennent, souhaiterait, ou non, se faire vacciner.
Le principe du libre consentement aux traitements
L’article L. 1111-4 du code de la santé publique prévoit en effet que « toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement […] » (alinéa 2) et qu’« aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment » (alinéa 4).
Toutefois, la mise en place d’une obligation vaccinale contre le virus du SARS-COV-2 pour les personnels de santé ne peut être écartée juridiquement par la publication d’une éventuelle disposition législative à venir.
Les vaccins obligatoires en dehors des salariés du secteur sanitaire
Outre les vaccinations recommandées, certains vaccins sont déjà obligatoires, sauf contre-indication médicale reconnue, parmi lesquels :
- Les vaccins qui s’imposent à tous les enfants nés à compter de 2018 (v. article L. 3111-2 du CSP) : les vaccinations antidiphtérique, antitétanique, antipoliomyélitique, contre la coqueluche, contre les infections invasives à Haemophilus influenzae de type b, contre le virus de l’hépatite B, contre les infections invasives à pneumocoque, contre le méningocoque de sérogroupe C, contre la rougeole, contre les oreillons et contre la rubéole ;
- La vaccination contre la fièvre jaune « pour toute personne âgée de plus d’un an et résidant ou séjournant en Guyane » (article L. 3111-6 du CSP) ;
- Le vaccin contre l’hépatite B pour les thanatopracteurs en formation pratique et en exercice (article L. 3111-3 du CSP)
Les vaccins obligatoires pour les salariés du secteur sanitaire et social
Pour le secteur sanitaire : L’article L. 3111-4 du code de la santé publique prévoit que :
« Une personne qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention de soins ou hébergeant des personnes âgées, exerce une activité professionnelle l’exposant ou exposant les personnes dont elle est chargée à des risques de contamination doit être immunisée contre l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite […].
Un arrêté des ministres chargés de la santé et du travail, pris après avis de la Haute Autorité de santé, détermine les catégories d’établissements et organismes concernés.
De plus, tout élève ou étudiant d’un établissement préparant à l’exercice des professions médicales et des autres professions de santé dont la liste est déterminée par arrêté du ministre chargé de la santé, qui est soumis à l’obligation d’effectuer une part de ses études dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention ou de soins, doit être immunisé contre les maladies mentionnées à l’alinéa premier du présent article. / […] ».
Ainsi, cela concerne les professionnels exerçant dans des établissements de prévention et de soins ; des établissements de sanitaires et sociaux et des hébergements de personnes âgées.
En application des dispositions d’un arrêté du 6 mars 2007, doivent avoir été obligatoirement vaccinés pour l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite les élèves et étudiants aspirant aux professions suivantes : professions médicales et pharmaceutiques (Médecin. Chirurgien-dentiste. Pharmacien. Sage-femme) et autres professions de santé (Infirmier. Infirmier spécialisé. Masseur-kinésithérapeute. Pédicure podologue. Manipulateur d’électroradiologie médicale. Aide-soignant. Auxiliaire de puériculture. Ambulancier. Technicien en analyses biomédicales. Assistant dentaire).
NB.1 : Certaines vaccinations obligatoires pour les professionnels du secteur sanitaire sont actuellement suspendues : l’obligation vaccinale contre la grippe a été suspendue par l’article 1er du décret n° 2006-1260 du 14 octobre 2006 et l’obligation vaccinale contre la fièvre typhoïde a été suspendu à compter du 1er mars 2020 par l’article 1er du décret n° 2020-28 du 14 janvier 2020.
NB.2 : seuls les ministres chargés de la santé et du travail peuvent déterminer les catégories d’établissement et organismes concernés par l’obligation vaccinale (Le Conseil d’État a jugé, par exemple, que le ministre de la Défense n’était pas compétent pour le faire à l’égard des établissements de prévention et de soins relevant de son administration : CE, Ass., 3 mars 2004, Association Liberté, Information, Santé, no 222918).
Est-il juridiquement possible de rendre le vaccin contre la Covid-19 obligatoire ?
Oui, mais seule la loi pourrait donner à une vaccination un caractère obligatoire (CE, 15 novembre 1996, no 172806).
Une autorité administrative ou de direction (ministre, préfet, directeur d’hôpital ou de clinique…) ne peut donc pas décider d’imposer aux agents publics, salariés ou étudiants de se faire vacciner contre le SARS-CoV-2 (ni contre aucune autre pathologie non mentionnée par la loi).
Toutefois, il serait possible que le gouvernement décide de procéder par ordonnance (comme cela a été le cas pour l’article L. 3111-4 du Code de la Santé Publique). Un article inséré dans le code de la santé publique serait donc « légal » (toutefois, en cas de mesures prises par ordonnance rendant cette vaccination obligatoire pour les professionnels du secteur sanitaire, à défaut de loi de validation venant la ratifier, l’obligation vaccinale pourrait être remise en cause).
Comme pour toute législation relative à une vaccination obligatoire, une conciliation devra être faite entre l’impératif de santé publique et plusieurs droits et libertés individuels.
Toutefois, chaque salarié qui le souhaite doit pouvoir avoir accès à la vaccination.
Les conditions pour rendre un vaccin obligatoire
En droit français, le droit à la protection de la santé est constitutionnellement protégé (alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946).
Le Conseil d’État a jugé que ce droit pouvait justifier la légalité de dispositions relatives à des vaccinations obligatoires, bien qu’elles aient pour effet de porter atteinte aux principes d’inviolabilité et d’intégrité du corps humain et à la liberté de conscience, dès lors que l’obligation de vaccination était proportionnée à l’objectif constitutionnel de protection de la santé publique (CE, 26 novembre 2001, n°222741).
Le Conseil constitutionnel a quant à lui jugé, également à propos des vaccins obligatoires pour les enfants, qu’« il est loisible au législateur de définir une politique de vaccination afin de protéger la santé individuelle et collective ; […] il lui est également loisible de modifier les dispositions relatives à cette politique de vaccination pour tenir compte de l’évolution des données scientifiques, médicales et épidémiologiques » (CC, 2015-458 QPC, 20 mars 2015, Époux L.).
En justifiant la constitutionnalité de l’obligation vaccinale des mineurs par l’impératif de santé publique, sous réserve de potentielles évolutions scientifiques et médicales, il est très probable, en cas de mesure similaire prise en ce qui concerne le SARS-COV-2, que le même raisonnement soit retenu.
Le droit à la santé et au respect de l’intégrité du corps humain, dans la perspective où le vaccin ne serait pas sûr d’un point de vue médical, pourrait justifier que l’on s’oppose, le cas échéant, à une obligation légale d’en justifier, notamment pour exercer une profession de santé. Il faudrait alors pouvoir démontrer scientifiquement que le bilan bénéfice/risque est défavorable au choix d’imposer la vaccination obligatoire.
En conclusion
Tant que le code de la santé publique n’a pas été modifié, aucune obligation vaccinale ne concerne le virus du SARS-COV-2 mais chaque salarié doit pouvoir se faire vacciner s’il le souhaite.
En l’état actuel du droit, aucune sanction ni aucun licenciement ne devrait donc pouvoir légalement être justifié par un refus de vaccination contre le SARS-COV-2, le principe de libre consentement aux soins étant garanti par la loi.
© Le secteur LDAJ de la Fédération CGT Santé Action Sociale - Mars 2021