L’actualité juridique de la Fédération CGT Santé Action Sociale - Septembre 2024

23 octobre 2024

Le secteur juridique de la Fédération CGT Santé Action Sociale vous propose une sélection non exhaustive des principaux textes législatifs et réglementaires publiés tous les mois dans notre champ fédéral ainsi qu’une sélection de jurisprudences récentes dans le secteur privé et la fonction publique hospitalière.

En raison de l’absence de gouvernement pendant plusieurs semaines, aucun texte législatif ou règlementaire n’a été publié dans notre champ fédéral au mois de septembre.

Vous trouverez ci-dessous une sélection de jurisprudences pour le secteur privé et la fonction publique hospitalière.

Le Flash Info LDAJ avec l’intégralité des jurisprudences est disponible en pièce-jointe dans cet article.

1) Droit privé

a) Contentieux individuel

  • Le travail pendant le congé de maternité donne droit à réparation automatique pour la salariée

Depuis le revirement de jurisprudence du 13 avril 2016, tout manquement de l’employeur doit, pour ouvrir droit à réparation, être subordonné à l’existence d’un préjudice que le salarié doit justifier. Toutefois, la Cour de cassation apporte régulièrement des exceptions à ce principe et applique la théorie du préjudice nécessaire pour certains manquements de l’employeur. En l’espèce, une salariée a demandé le paiement de dommages-intérêts pour violation de l’obligation en matière de sécurité et de santé au travail en raison de la fourniture d’un travail pendant son congé maternité.

Elle est déboutée par la cour d’appel au motif qu’elle ne justifie d’aucun préjudice mais la Cour de cassation, qui se réfère notamment au droit européen, n’est pas de cet avis : le seul constat du manquement de l’employeur à son obligation de suspendre toute prestation de travail durant le congé de maternité, ouvre droit à réparation pour la salariée (Cass. soc., 4 sept. 2024, n°22-16.129).

  • En cas d’inaptitude, il revient au salarié de prouver que la proposition de reclassement est déloyale

L’employeur peut licencier pour inaptitude et impossibilité de reclassement un salarié déclaré inapte s’il justifie du refus par celui-ci d’un emploi proposé, conforme aux préconisations du médecin du travail. Il existe une présomption de conformité du reclassement. En l’espèce, un salarié contestait son licenciement pour inaptitude pour non-respect de l’obligation de reclassement. L’employeur avait proposé 9 postes au sein du groupe conformes aux préconisations du médecin du travail mais qui étaient tous éloignés géographiquement du domicile du salarié.

La cour d’appel lui fait droit après avoir relevé qu’il existait de nombreux autres postes à pourvoir et avait déduit qu’à défaut de rapporter la preuve qu’il n’existait pas de postes plus proches disponibles et compatibles avec les qualifications et les capacités physiques restantes du salarié, l’employeur n’avait pas respecté son obligation de reclassement dans des conditions suffisamment loyales et sérieuses.

La Cour de cassation considère que la cour d’appel a inversé la charge de la preuve en s’appuyant sur l’’article 1354 du code civil. Il en résulte que lorsque l’employeur a proposé un emploi conforme, l’obligation de recherche de reclassement est réputée satisfaite et il appartient au salarié de démontrer que cette proposition n’a pas été faite loyalement (Cass. soc., 4 sept. 2024, n° 22-24.005).

  • L’employeur ne peut pas utiliser le contenu d’e-mails personnels d’un salarié émis et reçus grâce à l’outil informatique professionnel pour le licencier

Dans cette affaire, un salarié est licencié pour faute grave aux motifs de l’envoi de courriels contenant des images et des liens à caractère sexuel. Le salarié conteste son licenciement en justice. Il est débouté en appel, les juges du fond considérant que les messages litigieux contrevenaient à la charte interne de l’entreprise destinée à prévenir le harcèlement sexuel.

Mais la chambre sociale casse l’arrêt sur le fondement de l’atteinte à la vie privée. L’employeur ne peut utiliser le contenu de courriels personnels pour sanctionner un salarié sans violer le secret des correspondances.

La Cour de cassation rappelle qu’à moins de constituer un manquement du salarié à une obligation découlant de son contrat de travail, un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut pas justifier un licenciement disciplinaire. Les propos échangés par le salarié étant d’ordre privé, sans rapport avec son activité professionnelle et non destinés à être rendus publics, le licenciement du salarié était injustifié. Il était également atteint de nullité puisqu’il violait le droit au respect de sa vie privée (Cass. soc., 25 sept. 2024, n° 23-11.860).

  • Action juridique d’un syndicat en cas de harcèlement moral sur un représentant du personnel

La Cour de cassation, dans un arrêt du 10 juillet 2024, n° 22-22.803, indique qu’un syndicat est recevable à agir en réparation du préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession lorsque les éléments invoqués par un représentant du personnel laissent supposer un harcèlement moral en lien avec l’exercice de son mandat)

b) Contentieux collectif

  • Le juge ne peut pas corriger le résultat des élections en cas de manquement des règles à la parité des listes de candidats

Dans cette affaire, un syndicat présente deux femmes et un homme sur sa liste pour l’élection au premier collège du CSE, alors que les femmes se trouvent en position ultra-minoritaire. Il aurait donc fallu présenter 2 hommes et une femme. La candidate femme positionnée en première position sur cette liste est élue.

A l’issue de l’élection, un autre syndicat saisit le tribunal judiciaire, d’une part, afin d’obtenir l’annulation de l’élection de cette candidate et d’autre part, d’attribuer ce siège au candidat tête de liste de leur syndicat, et de proclamer les résultats ainsi rectifiés.
Le tribunal annule l’élection de la candidate mais refuse d’attribuer le siège devenu vacant, les dispositions légales ne prévoyant pas cette possibilité pour le juge. Le syndicat conteste mais la Cour de cassation n’est pas d’accord et donne raison au tribunal judiciaire.

C’est à bon droit que le tribunal a refusé de faire droit à la demande d’attribution du siège devenu vacant à un autre candidat (Cass. soc., 11 sept. 2024, n° 23-60.107).

  • Le candidat ou l’élu sur la liste d’un syndicat adhérant au PAP ne peut pas le contester après les élections

La Cour de cassation considère que, lorsqu’un protocole préélectoral (PAP) répond aux conditions de double majorité, le syndicat qui l’a signé ou qui a présenté des candidats sans émettre de réserves ne peut pas en contester la validité après la proclamation des résultats, même en cas de méconnaissance de règles d’ordre public.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation ajoute qu’un salarié candidat ou élu sur la liste présentée par un syndicat ayant, soit signé sans réserve le PAP, soit présenté des candidats sans avoir émis de réserves, ne saurait, après proclamation des résultats des élections professionnelles, contester la validité du PAP et demander l’annulation des élections, quand bien même invoquerait-il une méconnaissance par le PAP de règles d’ordre public.

La Cour de cassation s’attache ainsi à éviter la contestation des élections par des syndicats et des candidats et/ou élus à la suite de résultats décevants, en arguant d’une irrégularité du protocole préélectoral sur lequel les syndicats n’avaient émis aucune réserve, ni à la signature, ni lors de la présentation de leurs listes de candidats. Cependant, cette jurisprudence ne s’oppose pas à ce que ces syndicats et candidats et/ou élus puissent agir en nullité du protocole préélectoral sur le fondement d’une atteinte à l’ordre public avant la tenue des élections (Cass. soc., 11 sept. 2024, n° 23-15.822).

2) Droit public

  • Un fonctionnaire hospitalier peut percevoir une prime même s’il ne remplit pas les conditions de corps et grade

Dans un arrêt N°23DA00793 de la Cour administrative d’appel de Douai du 28 août 2024, il a été précisé, au sujet d’une décision administrative de refus d’attribuer la prime grand âge à un agent travaillant dans un EHPAD au motif que son grade d’AMP ne lui permettait pas d’exercer effectivement les fonctions d’aide-soignante, que si cet agent comporte des fonctions d’accompagnement en consultation des résidents et doit apporter une aide aux personnes résidant à l’EHPAD dans les actes de la vie quotidienne, alors, il doit quand même bénéficier du versement de la prime grand âge car il exerce de manière effective des fonctions pour y prétendre alors même qu’il ne collabore pas aux soins infirmiers.

3) Autres

  • Sanction de la CNIL pour non respect du RGPD sur la protection des données de santé

Délibération de la formation restreinte de la CNIL n°SAN-2024-013 du 5 septembre 2024 concernant la société CEGEDIM SANTÉ : La CNIL a sanctionné la société CEGEDIM SANTÉ d’une amende de 800 000 € pour plusieurs manquements à la protection des données de santé, notamment, le non respect de l’article 66 de la loi Informatique et Libertés relatif à l’obligation d’effectuer les formalités préalables dans le domaine de la santé et de l’article 5-1-a du RGPD sur l’obligation de traiter les données de manière licite.

https://www.legifrance.gouv.fr/cnil/id/CNILTEXT000050202759

  • Sanction de la CNIL pour non respect du RGPD sur la désignation d’un délégué à la protection des données

Délibération de la formation restreinte de la CNIL n°SAN-2024-009 du 22 juillet 2024 concernant le non-respect pour une autorité publique de son obligation de désigner un délégué à la protection des données conformément aux articles 37 à 39 du RGPD - Règlement Général de Protection des Données, malgré une injonction de la CNIL de décembre 2023. La CNIL, après avoir prononcé une sanction de 5000 € avec l’injonction d’une astreinte de 150 € par jour de retard à l’issue d’un délai de deux mois, a décidé de liquider l’astreinte prononcée à l’encontre de l’administration qui devra payer la somme de 6900 €.

https://www.legifrance.gouv.fr/cnil/id/CNILTEXT000050049583

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