Info LDAJ : L’exercice des mandats syndicaux au regard de la mise en place du passe sanitaire et de l’obligation vaccinale

22 septembre 2021

Vous trouverez, en pièce-jointe, un Flash Info LDAJ sur l’exercice des mandats syndicaux au regard de la mise en place du passe sanitaire et de l’obligation vaccinale.

L’article 1 de la LOI n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire a subordonné à un passe sanitaire l’accès à certains lieux et établissements jusqu’au 15 novembre 2021 et une obligation vaccinale.

Toutefois, durant l’exercice des mandats syndicaux, le passe sanitaire ne peut avoir pour conséquence d’entraver les missions des représentants syndicaux dans le secteur privé et public.

À noter qu’en l’absence de jurisprudence sur ces sujets récents, il est impossible de se prononcer avec certitude sur des litiges à venir.

Que doit comporter le passe sanitaire ?

Le passe sanitaire prévoit la présentation :

  • soit du résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la COVID 19,
  • soit un justificatif de statut vaccinal concernant la COVID 19
  • soit d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la COVID 19 .

Quels sont les établissements qui doivent demander un passe sanitaire ?

Jusqu’au 15 novembre 2021 inclus, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, dans l’intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19, subordonner à la présentation du passe sanitaire l’accès à certains lieux, établissements, services ou évènements où sont exercées les activités suivantes :
a) les activités de loisirs ;
b) les activités de restauration commerciales ou de débit de boissons à l’exception de la restauration collective, de la vente à emporter de repas préparés et de la restauration professionnelle routière et ferroviaire ;
c) les foires, séminaires et salons professionnels ;
d) sauf cas d’urgence, les services et établissement de santé, sociaux et médico-sociaux pour les seules personnes accompagnant ou rendant visite aux personnes accueillies dans ces services et établissements ainsi que pour celles qui y sont accueillies pour des soins programmés (…) ;
e) Les déplacements longue distance par transports publics interrégionaux (…) sauf cas d’urgence faisant obstacle à l’obtention du justificatif requis ;
f) Sur décision motivée du représentant de l’Etat dans le département, lorsque leurs caractéristiques et la gravité des risques de contamination le justifient, les grands magasins et centres commerciaux au-delà d’un seuil défini par décret, et dans des conditions garantissant l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi, le cas échéant, qu’aux moyens de transport.

Une liste détaillée figure à l’article 47-1 du Décret 2021-699 du 1er juin 2021.
https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000043575238/2021-09-04/

Cette réglementation est applicable au public et, depuis le 30 août 2021, aux personnes qui interviennent dans ces lieux, établissements, services ou évènements lorsque la gravité des risques de contamination en lien avec l’exercice des activités qui y sont pratiquées le justifie, au regard de la densité de population observée ou prévue.

Rappel des textes et des normes en vigueur consacrant la liberté syndicale

Les principaux textes et décisions consacrant la liberté syndicale dans le secteur privé ou la fonction publique hospitalière sont :

  • Préambule de la Constitution de 1946 en son 6èmealinéa : « Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix. »
  • Le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 20 juillet 1988 n°88-244 consacre la protection de l’exercice des fonctions syndicales
  • Le Conseil Constitutionnel a consacré la valeur constitutionnelle de la liberté syndicale CC, 25 juillet 1989, n° 89-257
  • La Convention OIT n° 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical
  • L’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme qui inclut dans la liberté d’association, la liberté syndicale
  • La CEDH dans sa décision du 06 février 1976 fait obligation aux états de permettre aux syndicats de défendre leurs membres
  • L’article L. 2141-1 du code du travail pose le principe de la liberté d’adhérer à un syndicat.
  • L’article L. 2131-1 du code du travail pose le principe de la liberté de constitution des syndicats
  • Décret 86-660 du 19 mars 1986 relatif à l’exercice du droit syndical dans la fonction publique hospitalière.

Rappel des sanctions déjà existantes en cas d’atteinte à la liberté syndicale dans le secteur privé

Deux types de sanctions majeures existent dans le secteur privé :

a) L’entrave  : L’entrave est un délit pénal qui est constitué par le simple fait d’entraver ou de porter atteinte de quelque manière que ce soit par action ou par omission à la constitution d’une IRP, à ses prérogatives ou à son fonctionnement.
Le délit d’entrave à la liberté syndicale est puni par l’article L. 2146-1 du code du travail par une peine d’emprisonnement d’un an et une amende de 3750 euros.

Rappel de jurisprudences fondatrices sur l’entrave notamment aux déplacements des IRP/DS :

  • L’opposition au libre déplacement ou à la sortie des délégués sans motif légitime constitue une entrave CASS CRIM, 04 février 1986 n°84-95.402 Bull. Crim. n°46
  • La nécessité pour des délégués du personnel de faire signer des ordres de mission pour se déplacer à l’extérieur de l’entreprise durant le temps de travail, constitue une entrave CASS CRIM, 05 mars 2013 n°11-83.984 Bull. Crim n°59
  • L’expulsion des locaux de l’entreprise d’un représentant du personnel, dont le contrat de travail est suspendu par une mise à pied, celle-ci ne suspendant pas le mandat constitue une entrave, CASS CRIM, 11 septembre 2007 n°06-82.410 Bull. Crim n°199
  • L’obstacle fait aux représentants dans le cadre de leur mission de prendre contact avec les salariés à leur poste de travail constitue une entrave CASS CRIM, 04 novembre 1981 n°81-90.919
  • Le refus de recevoir des IRP qui en ont fait régulièrement la demande constitue une entrave CASS CRIM, 07 janvier 1981 n°79-94.255 Bull. Crim n°5
  • Le refus opposé à un délégué mis à pied d’assister comme représentant syndical à une séance du comité constitue une entrave CASS CRIM, 13 février 1958 Gaz. Palais 1958 1 p. 426

L’action pour délit d’entrave est déclenchée à la suite d’un procès-verbal de l’inspection du travail par lequel il constate l’infraction. Ce procès-verbal fait foi jusqu’à preuve contraire pour tout ce que l’inspecteur a relevé personnellement (article L.8113-7 du code du travail).

Il est conseillé à l’instance représentative d’adresser un courrier recommandé sous forme de plainte à l’inspection du travail faisant état de l’entrave. En effet, par cette saisine préalable, l’inspecteur du travail ne pourra dans son procès-verbal se contenter de rapporter les allégations de la victime. Il devra procéder par lui-même à une enquête et à des constatations personnelles.
Le PV est transmis au procureur de la République qui jugera de l’opportunité des poursuites.

Il est également possible de saisir directement le procureur de la République via une plainte de la victime ou d’un tiers ; de même que reste également ouverte la voie de la plainte directe avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d’instruction (procédure plus lourde qui suppose cependant la consignation d’une somme par le plaignant correspondant a minima au montant de l’amende due en cas de constitution abusive).

Bien entendu, tenant les dispositions de l’article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats peuvent se constituer partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent. Arrêt de principe : CASS CRIM, 07 octobre 1959 Bull. Crim.

b) La discrimination : La discrimination peut être invoquée en corollaire de l’entrave.

Elle est sanctionnée par l’article L. 2141-5 du code du travail : « Il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesure de discipline et de rupture du contrat de travail. »

L’article L. 2141-5 du code du travail est à combiner avec l’article L. 1132-1 du code du travail qui rappelle la discrimination syndicale et qui pose un régime de preuve spécifique avec comme sanction la nullité de la mesure discriminatoire.

Maintien de la liberté syndicale en dépit de la loi du 05 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire et portant mise en place d’un passe sanitaire

Les textes et jurisprudences précédemment cités devraient continuer de s’appliquer durant la période actuelle en dépit de l’état d’urgence sanitaire et de la loi du 05 août 2021.

Durant le confinement, le Tribunal Judiciaire de Saint-Nazaire, saisi en référé sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile (relatif au trouble manifestement excessif), a jugé le 27 avril 2020 que la restriction d’accès et de circulation à un délégué syndical par un employeur dans l’entreprise en vertu de l’état d’urgence sanitaire constituait un trouble manifestement excessif : « Concernant l’exercice du mandat de délégué syndical, la restriction d’accès et de circulation sur le site de Saint-Nazaire qui lui est opposée et, partant l’absence de possibilité de communication avec les salariés présents sur le site, est disproportionnée au but recherché et légitime de la protection sanitaire de l’ensemble des salariés et constitue un trouble manifestement excessif  » TJ Saint-Nazaire, référé, 27 avril 2020 n°20/00125

Donc, déjà à cette période de premier confinement et de circulation présumée très active du virus, l’employeur ne pouvait pas au motif pris de l’urgence sanitaire et de la protection sanitaire des salariés, refuser l’accès et la circulation à un DS dans l’entreprise.

Les autres sujets traités dans ce Flash Info

Dans le Flash Info à télécharger en pièce-joint, les autres sujets abordés sont :

  • Le passe sanitaire et les activités syndicales dans le secteur privé ou la fonction publique ;
  • L’obligation vaccinale et les activités syndicales dans le secteur privé ou la fonction publique ;
  • Quel comportement tenir en cas d’exigence de la part de l’employeur d’un passe sanitaire pour l’exercice de son activité syndicale ;
  • Les actions contentieuses envisageables en cas d’atteinte à la liberté syndicale dans le secteur public ;
  • Un modèle d’attestation de mandat syndical pour ne pas être soumis au passe sanitaire

© Secteur LDAJ - Fédération CGT Santé Action Sociale - Septembre 2021