Rapport annuel sur l’égalité professionnelle dans la Fonction publique - édition 2014.

10 juillet 2014

Lettre à la Ministre portant sur l’analyse CGT du rapport sur l’égalité professionnelle dans la Fonction Publique - CCFP du 24 juin 2014 envoyé à la DGAFP.

Madame la Ministre,

En complément de l’intervention de Jean-Marc CANON, Secrétaire Général de l’UGFF-CGT en séance du Conseil Commun de la Fonction Publique du 24 juin dernier, vous trouverez ci-après de manière plus détaillée l’analyse CGT du rapport sur l’égalité professionnelle dans la Fonction Publique.

L’égalité inscrite dans la Constitution française doit être une réalité pour toutes les femmes et les hommes. L’Etat doit être exemplaire en la matière.

L’évolution du rôle des femmes dans la société ces dernières années oblige à une réflexion sur leur place et la reconnaissance qui leur est due dans le milieu professionnel, notamment dans la Fonction Publique où elle représente 61% de l’effectif (part supérieure à celle du privé).

Si le Gouvernement affiche une politique volontariste en matière d’égalité, pour autant, concrètement les inégalités et les discriminations sont réelles et, sans moyens donnés pour l’exercice des missions de Service Public, elles perdureront voire s’accentueront.

Nous ne voyons pas comment le Gouvernement pourrait mener une véritable lutte contre les inégalités sans dégager une ligne budgétaire dédiée.

La politique de réduction des moyens alloués aux Services Publics dégrade fortement les conditions des salarié-es, et dans un tel contexte les femmes sont particulièrement touchées.
En effet, les politiques d’austérité aggravent la situation des femmes, notamment avec la réforme sur les retraites, le gel des salaires, la réduction du nombre de fonctionnaires, la fermeture de services……
Le programme du Premier ministre Valls de renforcement de la politique d’austérité confirme ce cynisme d’Etat.

Concernant ce rapport, il est très largement redondant avec l’édition 2013 du rapport général sur l’état de la Fonction Publique. Des analyses plus fines permettant d’éclairer les éléments statistiques auraient été pertinentes.

Il est indispensable d’avoir un rapport de situation comparée (RSC), l’étude économétrique en cours, signalée par la DGAFP doit nous y aider. La CGT renouvelle sa demande, faite à la DGAFP lors du dernier comité de suivi du protocole, de pouvoir rencontrer les laboratoires de recherche avant la finalisation de l’étude pour s’assurer que les travaux correspondent à ce dont nous avons besoin pour établir un vrai RSC, et mieux cerner les différentes problématiques.

D’autre part ce rapport n’est pas féminisé dans sa forme, il faudrait que la Fonction publique montre l’exemple et arrête de parler des assistants maternels et familiaux (on ose encore utiliser exclusivement le masculin là où il y a 98 % de femmes !!!).

Dans la Fonction Publique hospitalière, les sages-femmes sont toujours dans l’attente d’une réponse du Gouvernement sur la reconnaissance de leur qualification. Depuis un an, la CGT attend d’être reçue sur le sujet de la catégorie active : le Gouvernement précédent a enlevé la possibilité de départ anticipé à la retraite pour la profession infirmière, et le Gouvernement actuel continue avec les auxiliaires puéricultrices. C’est toute la filière qui est en mal de reconnaissance.

Les points à relever dans ce rapport :

  • des écarts de rémunérations toujours au désavantage des femmes :
  • Ce sont les femmes qui ont les salaires les plus faibles, les pensions les plus basses, elles sont les plus nombreuses parmi les privé-es d’emplois……. Augmenter la valeur du point d’indice, c’est aussi augmenter le pouvoir d’achat des femmes en France.
  • Le rapport signale pour l’année 2011 des écarts moyens de salaires entre les femmes et les hommes de 17.6 % pour la FPE (15,4 % en 2010), de 12,1 % (12,8 % en 2010) pour la FPT et de 28 % pour la FPH (27,5 % en 2010).
  • La suppression de tous les écarts de salaires doit être un objectif à court terme.
  • Un rapport annuel de situation comparée (RCS) à tous les niveaux des titulaires et non titulaires, doit permettre un état des lieux précis pour mieux identifier les inégalités femmes/hommes avec des éléments d’analyse et de compréhension, et des indicateurs d’évolution dans le temps : données pertinentes en fonction de l’âge, sur le temps partiel, sur les effectifs sexués de recrutement et sortie des grandes écoles, sur les viviers en amont, suivi des cohortes après la formation, effet de la mobilité, déroulement de carrière, statistiques promus/promouvables, critères de nomination, accès aux primes et promotions, statistiques pensions de retraite...
  • L’application du principe « à travail de valeur égale, salaire égal » doit être la règle en particulier pour la reconnaissance des qualifications des métiers à prédominance féminine par leur réévaluation dans les grilles salariales.
  • Quelque soit le versant de la Fonction Publique, le constat est le même, les filières et les corps dits « féminisés » sont pénalisés par rapport aux autres.

Un éclairage sur certaines professions très féminisées et très peu rémunérées aurait été nécessaire, pourtant elles ne sont pas mentionnées (les salarié-es de maison de retraite et les assistant-es maternel-les et familiaux). Pour ces professions il y a de grandes disparités selon les établissements.
Le prochain rapport devra combler ce « trou statistique » sur les filières à prédominance féminine, dont les rémunérations ne sont pas en rapport avec la qualification requise et les compétences collectives demandées.

Il y a urgence à effectuer un travail sur les métiers et les filières. La CGT demande que certaines filières soient réhabilitées.

La CGT sera très attentive à ce sujet dans la négociation sur les parcours professionnels, les carrières et rémunérations. Une remise à plat des grilles s’impose, après l’augmentation du point d’indice !

  • Une sous représentation des femmes aux postes d’encadrement supérieur et dirigeant :
    Dans l’ensemble de la Fonction Publique, la proportion des femmes ayant un diplôme de l’enseignement supérieur est plus importante que celle des hommes (48% contre 43%).

Pourtant, si elles représentent environ 61 % des salarié-es et qu’elles sont plus diplômées et mieux diplômées que les hommes de façon globale, elles sont nettement sous représentées dans les emplois de l’encadrement supérieur et de direction.

« La proportion des femmes occupant des emplois de direction de la Fonction Publique est plus faible que leur part respective dans l’ensemble des catégories :

  • 26% contre 54% dans la FPE,
  • 35% contre 61% FPT,
  • 45% contre 70% FPH »

L’assurance d’un déroulement de carrière pour toutes les femmes et de leur accès aux postes à responsabilité, sont des enjeux essentiels pour une réelle égalité.

Certains préjugés ou certaines représentations ont la vie dure, en particulier quand il s’agit de confier à des femmes la gestion de responsabilités importantes aussi bien dans le domaine de l’encadrement, domaine scientifique ou financier..., dans les plus hautes fonctions de l’Etat, de la Territoriale et de l’Hospitalière.
Pour assurer l’égalité du déroulement de carrière et l’accès à tous les postes de responsabilité dans les filières et les corps, la CGT revendique des mesures en matière de : critères de nomination, de recrutement, de traitement, de primes..., féminisation des jurys et auteur-es des sujets.
Le chemin est long pour un rééquilibrage de la représentation des femmes sur des postes à responsabilité, cela passe par la constitution d’un vivier possible grâce à la conjonction de différents éléments, dont l’accès à la formation professionnelle pourtant très peu traité dans le rapport.
L’égalité d’accès à la formation continue qualifiante pour toutes les catégories professionnelles doit être la règle.
Des mesures sont à prendre pour développer des formations de proximité. La prise en charge de frais de garde supplémentaire des enfants pourrait aussi être prévue.

  • Les femmes sont particulièrement pénalisées par un déroulement de carrière beaucoup moins linéaire (interruption, temps partiel...) :
    En 2011, 95,8 % de femmes ont pris un congé parental, en 1998 elles étaient 94,1%. Nous devons pouvoir assurer un déroulement de carrière pour toutes les femmes et leur accès aux postes à responsabilité.
  • Pour une réelle mixité des métiers
    Les femmes doivent pouvoir exercer les mêmes missions que les hommes et vice-versa. Des campagnes de communication pour promouvoir l’égalité dans la formation, l’embauche, la promotion professionnelle sont indispensables. L’école, l’université doivent jouer un rôle dans la lutte contre les stéréotypes sexistes pour une réelle mixité et égalité des filières des formations initiales. Les « ABCD » de l’égalité doivent être généralisés et surtout pas abandonnés.

Un statut plus précaire pour les femmes :

  • On constate une nette augmentation des personnels non titulaires (augmentation de 2,5% par an sur 11 ans), les femmes sont majoritaires chez les non titulaires (67%) et chez les contrats aidés (69%). Ainsi, elles sont plus touchées par la précarité que les hommes.

D’autant plus que le salaire moyen des non titulaires est inférieur à celui des titulaires :

  • 16.1% FPE (hors militaires)
  • 16.9 % FPH
  • 19.1 FPT

La lutte contre toute forme de précarité passe par l’interdiction du temps partiel imposé, la titularisation des personnels non titulaires et des contractuel-les qui le souhaitent, et une sécurisation des parcours professionnels.

Le Gouvernement doit marquer sa volonté de faire reculer la précarité par une politique de titularisation massive des agents éligibles dans le cadre de la loi Sauvadet. Nous sommes loin du compte dans certains ministères, établissements et collectivités.
- Des inégalités pour la retraite :

  • Les inégalités pour les femmes partant à la retraite sont variables en fonction de leur employeur d’origine. Les départs suite à des « carrières longues » concernent majoritairement les hommes, et la surcote concerne essentiellement les catégories B et A et donc moins les C (féminisées / bas salaires). Les femmes sont pénalisées par la décote.

Le gouvernement n’a pas respecté son engagement de faire un bilan et une étude d’impact des réformes passées, en cours et à venir. La CGT renouvelle cette exigence.

« A l’occasion de la grande conférence sociale 2013, le Gouvernement et les partenaires sociaux sont convenus que l’égalité entre les femmes et les hommes devait être l’un des objectifs de l’état des lieux élaborés par le Conseil d’orientation des retraites et des différentes pistes de réformes des retraites qui seront élaborées par une commission ad hoc en 2013. Dans le cadre de ces travaux, une réflexion sera menée également dans les trois versants de la Fonction publique afin d’analyser les conséquences des réformes passées, en cours ou à venir et d’apporter une contribution pour élaboration des pistes de réforme précitées sur la base d’indicateurs permettant d’identifier la situation particulière des femmes ».

D’autre part, le rapport ne pointe pas les droits familiaux. Ils doivent être maintenus, mesures de justice, ils permettent le rattrapage des écarts de montant de pensions des femmes.

La CGT demande le rétablissement de la bonification d’un an par enfant pour les femmes fonctionnaires.

  • - Conditions de travail :

Il y a une division sexuée des conditions, de l’organisation et du temps de travail. La CGT revendiquait un axe supplémentaire au protocole (sur Santé au travail notamment). Le rapport nous donne raison, notamment pour la filière du soin... mais pas uniquement.

Les métiers de l’enseignement doivent être aussi analysés car parmi les victimes d’agressions, les personnels de l’Éducation nationale déclarent beaucoup plus souvent avoir été agressés dans l’exercice de leur métier que l’ensemble des professions. Dans l’Éducation nationale, 49 % des victimes de violences physiques, 64 % des victimes de menaces et 57 % des victimes d’insultes ont été agressées dans l’exercice de leur métier contre respectivement 31 %, 44 % et 40 % des personnes occupant un emploi.

De même, les filières médicales sont très exposées. Les salarié-es subissent trop souvent un environnement de travail sexiste, avec du harcèlement, des violences et des agressions sexuelles ou discriminations.

Toutes les femmes doivent bénéficier de conditions de travail décentes. Pour celles particulièrement exposées, la reconnaissance de la pénibilité de leur travail doit être étudiée notamment par la retraite anticipée avec un système de bonification.

  • - Articulation vie privée/vie professionnelle
    L’organisation du travail doit prendre en compte les contraintes de cette articulation :
  • Un vrai partage des temps sociaux (vie professionnelle, familiale et sociale) doit être amélioré par l’aménagement des horaires et une vigilance quant aux heures de réunion,
  • Le congé parental doit être plus partagé entre les parents, plus rémunéré (sur la base du dernier salaire),
  • Un véritable service public d’accueil de la petite enfance doit être mis en place,
  • L’accueil à l’école publique doit être possible dès l’âge de deux ans,
  • Des mesures doivent être prises pour un accueil hors temps scolaire pour les enfants.

Mais aussi le temps de travail et l’organisation du temps de travail doivent être observés pour une meilleure articulation vie privée/vie professionnelle :

Les décrets Peillon et Hamon sur les rythmes scolaires de 2013/2014 modifient considérablement l’organisation du travail des professeur-es des écoles, corps le plus féminisé des enseignant-es. L’articulation vie privée/vie professionnelle est donc impactée par un allongement de la plage horaire hebdomadaire de travail des enseignant-e-s.
L’organisation de la vie privée de ces personnels a été modifiée avec des répercussions au niveau de la gestion des gardes d’enfants, et autres gestions de la vie privée.
Outre les conditions de travail ce sont les conditions aussi d’enseignements qui sont désastreuses pour des enseignant-es qui ne bénéficient pas d’une réelle médecine de prévention !

En conclusion

C’est une photographie à un instant « T » donc incomplète.

Le rapport doit évoluer pour fournir des analyses fines, nécessaires à l’élaboration d’un véritable plan de travail.

La Formation Spécialisée n°3 du CCFP doit être consultée en vue de l’élaboration d’un plan de travail concerté conduisant à un plan d’actions.

Beaucoup de données et d’analyses sont insuffisantes voire inexistantes selon les versants de la Fonction Publique, sur les rémunérations, les retraites mais aussi sur :

• le problème des violences et du harcèlement qui n’est pas abordé, nous n’avons pas de statistiques sur ce sujet,
• le temps partiel : à l’embauche, temps demandé pour quelle raison ?
• les négociations en cours, ou qui ont eu lieu et les décisions mises en œuvre en faveur de l’égalité, à tous les niveaux de la Fonction Publique doivent être communiqués.

A partir du recensement des différents recours sur les discriminations envers les femmes (le défenseur des droits a des données sur ce sujet), la notation gelée pour les congés maternité, le problème de la récupération des congés annuels suite au congé maternité…, nous devons détecter les problèmes et envisager des solutions rapides.

Pour la CGT, il est essentiel d’avancer sur une démarche intégrée de l’égalité.
L’égalité doit se concevoir en permanence en amont de toutes décisions, de lois, accords et doit être intégrée dans toutes les négociations, avec une obligation de résultats pour lutter contre les inégalités.

Je vous prie d’agréer, Madame la Ministre, l’assurance de ma considération distinguée.

Pour la CGT Fonction Publique
Le Secrétaire Général de l’UGFF
Jean-Marc CANON