Démocratie sociale : suivez le dossier !

2 mars 2015

Face à la crise que nous traversons, face à l’accroissement des inégalités, au développement de la précarité, aux attaques incessantes contre les droits des salariés et des privés d’emplois, l’urgence sociale est au renforcement des garanties collectives communes à tous, quelle que soit leur entreprise.

  • Avec un patronat plus que jamais conforté par le gouvernement dans ses demandes à vider le Code du Travail de toute substance, il est impératif de placer la démocratie sociale au cœur du projet d’entreprise, et l’émancipation par le travail au cœur de notre choix de société.

Après l’échec de la négociation interprofessionnelle nationale sur le dialogue social et la représentation des salariés, le gouvernement a repris la main, comme il l’avait annoncé pour légiférer. Lors d’une rencontre tripartite gouvernement-syndicats-patronat le 25 février dernier, Manuel Valls a annoncé un projet de loi qui sera présenté en conseil des ministres fin mars-début avril, un débat au parlement pour une adoption cet été et une préparation en concertation avec syndicats et patronat.

Le contenu des annonces de Manuel Valls

Les annonces du Premier ministre le 25 février concernant la « modernisation du dialogue social » ont de quoi satisfaire le président du Medef, mais inquiéter les syndicats de salariés.
En effet, les options présentées par Manuel Valls, notamment le regroupement des instances représentatives du personnel et le recul sur les prérogatives des CHSCT, reprennent une bonne part des exigences patronales qui ont déjà fait échouer la négociation.

Grands principes sont fixés pour ce projet de loi :

1.Regrouper et rationaliser l’information/consultation et les obligations de négociation.
Regroupement autour de trois grandes consultations annuelles :

  • une sur la situation économique et financière de l’entreprise ;
  • une sur la situation sociale ;
  • une sur les orientations stratégiques de l’entreprise et leurs conséquences pour les salariés.
    Sur les niveaux de consultation dans les entreprises multi-établissement, la loi devra préciser dans quel cas la double consultation est nécessaire et dans quel cas elle ne s’impose pas.

Des accords d’entreprise « expérimentaux » seront possibles pour définir le découpage et la fréquence des Négociations annuelles obligatoires (annuelle, biennale ou triennale).

2. Adapter les règles de représentation au nombre de salariés de l’entreprise.
Dans les entreprises de 50 à 300 salariés : élargissement de la Délégation Unique du Personnel (DUP) de 200 à 300. Élargissement du champ de compétence de la DUP en y incluant le CHSCT. Les missions et prérogatives du CHSCT seraient conservées dans la délégation unique y compris le droit d’ester en justice.

Dans les entreprises de plus de 300 salariés : par accord collectif d’entreprises, possibilité de regroupement ou de fusion totale des instances (DP,CE,CHSCT) en une instance unique. L’instance unique serait compétente sur les questions individuelles, économiques, sociales, hygiène, sécurité et conditions de travail « avec les moyens et les prérogatives qui les accompagnent ».

3. Commission paritaire régionale pour les TPE (moins de 11 salariés).
Mise en place d’une commission paritaire régionale interprofessionnelle dans chacune des futures 13 régions. Elle serait composée de 10 représentants salariés et 10 représentants employeurs. Elle ne remettrait pas en cause les « structures existantes » comme les Commissions Paritaires Regionales Interprofessionnelles de l’Artisanat (CPRIA).
Fonction de conseil auprès des salariés et employeurs en matière de droit du travail, d’information et concertation sur l’emploi et la formation .
Ces commissions n’auraient pas de droit d’ingérence sur la marche de l’entreprise.
Le gouvernement n’apporte pas de précision sur le mode d’élection ou désignation des représentants salariés.

4.Valoriser les parcours des représentants des salariés et susciter des vocations.
Nécessité d’investir dans leur formation, mais aussi reconnaître les compétences qu’ils acquièrent. Garantir la sécurisation de leur parcours, avec la nécessité de prévoir une garantie de rémunération non discriminatoire ou des entretiens spécifiques en fin de mandats.

5.Représentation équilibrée femmes/hommes parmi les représentants du personnel.
Cet objectif sera inscrit dans la loi.

A noter :

  • La présence d’administrateurs dans les CA des grandes entreprises ne sera pas traitée dans la loi, mais renvoyée au bilan de l’Accord National Interprofessionnel sécurisation de l’emploi par les « partenaires sociaux » et devrait faire l’objet d’une conférence sociale thématique.

Trois autres chantiers sont annoncés au-delà de la loi :

  • Comment encourager la création d’emplois dans les PME/TPE, avec l’organisation d’une conférence sociale thématique en juin.
  • Quel rôle du dialogue social et quelle place pour la négociation collective. L’objectif serait d’améliorer le niveau branche et entreprises, afin d’être plus « souple » tout en respectant l’ordre public social. France Stratégie pourrait être chargé d’ici l’été cette réflexion.
  • Poursuite de la réflexion sur la sécurisation des parcours professionnels après la mise en place du Compte Personnel de Formation et du compte pénibilité.

Démocratie sociale : la CGT a des ambitions

Dans la négociation conduite à l’échec par l’obstination patronale, la Cgt a défendu l’idée d’un accord comportant de vraies avancées pour l’ensemble des salariés en matière de représentation collective et de droit syndical :

  1. pas un salarié sans représentant du personnel, car les salariés, quels que soit leurs statuts dans l’entreprise doivent avoir les mêmes droits ;
  1. des institutions représentatives du personnel au plus près de la réalité du travail, de l’entreprise car on ne peut être bien représenté et défendu que par ceux qui sont au plus prêt du terrain ;
  1. des droits d’expression nouveaux pour les salariés sur le contenu et l’organisation du travail car ce sont les salariés qui connaissent le mieux leur travail ;
  1. l’amélioration de l’information et de la consultation des salariés sur la stratégie de l’entreprise car une entreprise où le dialogue social est favorisé fonctionne mieux ;
  1. le contrôle et l’évaluation des aides publiques aux entreprises car ces aides doivent bénéficier à l’emploi et aux salariés ;
  1. la création de Comité d’hygiène de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT) de site pour être au plus près de la réalité du travail ;
  1. des droits pour les salariés syndiqués notamment pour se réunir ;
  1. la modification des règles de négociation interprofessionnelle pour qu’elles se déroulent à égalité et non sous l’emprise du Medef.