Ça veut dire qu’avec ce type d’organisation on enferme les salariés dans une prescription dans laquelle ils ont de moins en moins de place, de moins en moins de marche de manœuvre. Et ça, ça génère des souffrances terribles pour le salarié, ce qui pose le problème de la création dans le travail… amputée, avec comme conséquence possible les fameux RPS.
Et bien souvent les plaintes qu’on peut entendre ici ou là, viennent de cette problématique… cette amputation du pouvoir d’agir, de créer.
On a dans ce pays un outil de proximité pour comprendre ce qui se joue afin de faire émerger cette réalité du travail pouvant aller jusqu’à la transformer : ce sont les CHSCT, les « Comités D’Hygiènes, de Sécurité et des Conditions de Travail ». Et ce n’est pas un hasard si c’est particulièrement cette Instance-là qui a été remise en cause par la loi Rebsamen.
Historiquement, les politiques de santé se sont construites sur un modèle de la compensation/réparation.
Et non, ce n’est pas normal de mourir au boulot, ni même d’en souffrir… quelle que soit la compensation, la réparation ; même si elles sont bien souvent justes. Mais nous y reviendrons plus loin.
La « crise » que nous connaissons qui est souvent qualifiée d’économique, sociale, environnementale, culturelle est rarement interrogée à partir du travail. Et pour la CGT cette crise, à sa naissance, est d’abord celle du travail.
Et à force de sacrifier le travail sur l’autel de la lutte pour l’emploi en imposant la précarité, en segmentant les parcours professionnels, au mépris de toute logique d’apprentissage ; à force de négliger le débat sur la qualité du travail bien fait et l’efficacité du travail utile, le mal-travail et son cortège de pathologies, de souffrance,… tout ça « explose » les dépenses, ravage l’économie, plombe le social, disloque le vivre ensemble et la démocratie ; pour finir par compromettre gravement l’efficacité et la qualité des productions et des services, en minant la vraie compétitivité, celle de la coopération et de la compétence.
Cette privation du travail bien fait et de toute possibilité de le discuter, conduit l’individu soit dans un désengagement qui ne satisfait personne, soit dans une spirale inquiétante d’un travail jamais abouti, qui n’a plus de sens…et qui peut connaitre une issue encore plus dramatique que l’épuisement professionnel. Nous ne pouvons pas déconnecter nos propos de la situation symptomatique qu’on rencontre aujourd’hui avec les personnels des établissements de soins.
La CGT l’affirme : il nous faut d’abord soigner le travail.
Et ça ne peut pas se faire sans donner la parole aux véritables experts du travail, aux créateurs de richesses : les travailleuses et travailleurs eux-mêmes. En effet, lorsqu’il travaille, l’individu retravaille toujours ce qui lui est prescrit, il n’est jamais simple exécutant soumis.
On n’est jamais totalement victime de la parcellisation des tâches, des modes d’organisation du travail… jamais totalement assujetti à la gestion, au marketing, à la communication… Car on recentre toujours le cadre prescrit de son activité professionnelle autour de ses propres normes de vie.
Ça veut dire qu’au travers du moindre de ses actes, dans son activité réelle, il se construit, tisse des liens avec les autres, produit du lien social, de la solidarité, de la société… Et de la subversion ! Nous touchons là le cœur d’une désobéissance qui nous donner la perspective des renversements à venir. C’est un formidable potentiel pour le syndicalisme et l’ensemble des forces sociales progressistes qui souhaitent une véritable liberté et démocratie au travail… Et au-delà !
S’occuper du travail, c’est croire en l’Etre Humain, pour construire « la cité », où chaque travailleur devient citoyen. Cette ambition impose le droit à la parole, à l’écoute, au respect, à la vérité et exige la participation de toutes et tous à partir des réalités de leur travail. C’est dans le travail, par la possibilité de s’exprimer directement sur son travail, qu’il faut restituer à l’être humain son pouvoir et sa capacité d’agir : il y trouvera des outils individuels et collectifs pour « construire en santé » une dimension essentielle de sa personnalité.
Un autre point nous paraît essentiel, c’est de mettre en lumière les métiers ;
Parce qu’ils sont l’aboutissement des collectifs construits par les travailleurs pour bien faire leur travail. Même si ces collectifs ont été mis à mal, les métiers ignorés, bafoués, ils sont toujours là, les travailleurs ne cessent de les construire et reconstruire dans l’invisibilité.
Grâce à cela, des trains roulent encore, l’électricité arrive dans nos maisons, les services publics résistent malgré toutes les coupes sombres. Les travailleurs font des miracles chaque jour.
Même en voie d’affaiblissement, ce potentiel considérable ne sera jamais mort, il est le reflet de cette recherche d’émancipation des travailleurs. Mais il doit être maintenant mis en visibilité et reconnu.
Permettre aux travailleurs d’exprimer leur savoir-faire devenus des métiers, les valoriser, les transmettre aux plus jeunes, c’est se donner les moyens d’un nouveau développement du pays que ce soit dans l’industrie ou les services.
Et enfin, il nous faut affirmer les liens entre les enjeux du travail, ceux de la santé et de l’organisation des solidarités dans la cité.
Cette volonté nous amène logiquement à penser la sécurité sociale d’aujourd’hui et de demain, celle qui garantira une sécurité sociale « santé », et une sécurité sociale « professionnelle ». Cette exigence d’un nouveau plan complet de mise en sécurité sociale s’inscrit dans une dynamique de prévention de la précarité et de la désinsertion professionnelles, une dynamique de lutte contre les inégalités, contre tous les processus d’exclusion ; un nouveau plan de sécurité sociale afin de se dégager d’une culture réparatrice, « compensatrice » du méfait accompli, c’est-à-dire d’une forme abusive de déni de la responsabilité par la redistribution, pour s’engager dans des démarches de prévention, d’éducation et de promotion du travail et de la santé.
La recherche de solution à la crise du vivre ensemble ne passe pas par la casse du code du travail, des IRP, et par la remise en cause des prérogatives des différents acteurs du travail et de la santé.
Au contraire, nous devons conquérir de nouveaux droits. La citoyenneté, la liberté dans, par et avec le travail doivent s’installer dans toutes les entreprises et services de ce pays. Pour cela, le droit à la représentation collective pour tous les travailleurs, quelle que soit la taille de leur entreprise est incontournable.
Il s’agit d’ouvrir une nouvelle ère de la démocratie et des droits de l’homme au travail, de réinterpréter le sens et le rôle de l’entreprise, en l’affranchissant de la tutelle des employeurs et des actionnaires, en accomplissant une nouvelle étape de l’émancipation du travail et donc du salariat.
Vous l’aurez compris, la CGT est pour l’éradication du mal être au travail, du mal-travail et de l’épuisement professionnel. Mais nous ne pouvons plus laisser les victimes actuelles sur le bord de la route. Nous devons prendre en compte l’extrême fragilité des salariés atteints, et cela nécessite de développer une bienveillance de toutes et tous, en particulier des pouvoirs publics et de la sécurité sociale. Pour cela le bien fondé d’avancer dans la constitution d’un tableau sur les RPS dont l’épuisement professionnel doit continuer à être discuté.
Mais dans tous les cas, cela ne suffira pas. Il faut mettre en place un réel dispositif d’accompagnement et de soutien de ces salariés ; et ça implique de donner les moyens et compétences, financiers et humains, aux CRRMP qui connaissent déjà actuellement des difficultés de fonctionnement.