La Fédération CGT de la Santé et de l’Action Sociale apprend, avec indignation, que la condamnation, à un an de prison avec sursis demandée par le parquet, du docteur Danièle Canarelli, psychiatre à Marseille, a été confirmée par le tribunal.
Cette collègue est condamnée pour n’avoir pas pu prévoir et donc empêcher un acte commis par un de ses patients.
Au nom de la logique sécuritaire, peut-on reprocher aux soignants de ne pas employer la force ? Peut-on condamner des décisions diagnostiques et thérapeutiques sans criminaliser le choix de telle ou telle pratique professionnelle ?
La responsabilité des soignants, comme de tout justiciable, ne peut être engagée que si la conséquence de ses actes est prévisible.
Reprocher le manque de prévisibilité d’une évaluation clinique relève donc de la pensée prélogique, selon laquelle toute décision doit être prise en connaissant à l’avance le futur !
Tout soignant infirmier ou médecin a, à un moment ou un autre, à faire des choix thérapeutiques et éthiques.
En psychiatrie, aucune certitude scientifique ne peut justifier le renoncement à la préservation du lien thérapeutique et à la recherche de l’adhésion du patient.
Nous avions cru en avoir fini avec la logique sécuritaire que le gouvernement précédent voulait imposer à la psychiatrie.
Nous constatons qu’il faut encore se battre contre la tendance démagogique qui a besoin de trouver des boucs émissaires dans tout drame humain.
C’est inadmissible, car ce sont les malades mentaux qui sont ainsi désignés comme spécifiquement dangereux, puisque leurs actes ne relèvent que de la responsabilité des psychiatres et non de celle de la police ou de la justice comme pour les autres citoyens.
Que penser d’une société qui a une telle vision de la maladie mentale ?
N’est-il pas logique qu’elle punisse par principe ceux qui se font les défenseurs des malades mentaux, en les soignant ?
Si la criminalisation de la pratique clinique aboutit à une frilosité exacerbée dans les options thérapeutiques des soignants, la confiance des patients en sera affectée et l’accès aux soins plus difficile.
Les innovations thérapeutiques, promues depuis des décennies par les équipes de santé mentale dans le cadre de la sectorisation, peuvent se trouver remises en question, entrainant un retour à des pratiques asilaires, tant des médecins que des infirmiers.
La condamnation du docteur Canarelli sera durement ressentie par tous les personnels de la psychiatrie publique dans une période où la souffrance au travail s’accroit dramatiquement dans nos services du fait, à la fois de la dégradation des moyens et de l’augmentation de la souffrance sociale détournée sur la psychiatrie.
Il est important de dire que ce jugement, au delà de toute défense corporatiste, concerne tous les soignants et porte atteinte à notre conception de la psychiatrie, qui doit être avant tout humaniste.
C’est en conformité avec cette conception que la CGT se déclare totalement solidaire du docteur Canarelli.