Madame la Ministre,
La CGT estime que les mesures unilatérales avancées par le gouvernement sont une reconnaissance du grave problème de pouvoir d’achat dont souffrent depuis trop longtemps les agents de la Fonction publique.
C’est aussi une réponse aux revendications unitaires des organisations syndicales et à la mobilisation du personnel, notamment celle du 15 mai dernier.
De ce point de vue, la CGT ne peut donc que se féliciter que des mesures soient prises.
En revanche, même s’il n’est pas question de nier que le dispositif proposé redonne du pouvoir d’achat à une partie des agents, la CGT ne peut être qu’en désaccord avec les pistes arrêtées.
Pour notre syndicat, la réponse aux questions salariales n’est pas à rechercher dans la baisse des cotisations sociales, mêmes celles salariales.
Au-delà de cette question essentielle de principe, il faut noter qu’un tel dispositif réduit les ressources de la protection sociale, dont les besoins en financement sont pourtant cruciaux.
Et puisque dans votre présentation, Madame la Ministre, vous mettez en avant les supposés « avantages » de cette mesure gouvernementale par rapport à l’augmentation de la valeur du point, permettez-nous de vous rappeler que l’augmentation de la valeur du point, en revanche, c’est du plus pour le financement de la protection sociale.
Par ailleurs, ce que vous appelez « l’abaissement dégressif du taux de cotisation retraite des fonctionnaires » introduit de fait un changement majeur qui n’a été à aucun moment débattu : un taux de cotisation sociale salarial différent selon le niveau de rémunération où l’on se situe.
Un tel bouleversement, lourd de conséquences, appelait au minimum des échanges approfondis qui n’ont pas eu lieu.
A ce stade, la CGT demeure hostile à une telle modification.
Il y a lieu également de s’interroger sur l’illisibilité, pour ne pas dire l’incohérence de cette réforme.
En effet, si une partie des fonctionnaires va, au 1er janvier 2015, « bénéficier » d’une baisse des cotisations retraite, tous les fonctionnaires, à la même date, vont subir une nouvelle hausse de 0,4 % liée aux réformes des retraites de 2010, 2012 et 2013. Mesures qui d’ailleurs continueront en 2016, 2017, 2018, 2019 et 2020.
Madame la Ministre, vous mettez en avant que la mesure touchera 2,2 millions de fonctionnaires en couvrant les salaires allant du SMIC à une fois et demie le SMIC, ce qui est plus que le dispositif apparemment retenu pour le secteur privé.
Doit-on pour autant considérer qu’un agent au deuxième grade de la catégorie B parvenu au 12ème échelon, et donc payé à 2.270 euros brut mensuel, est privilégié à ce point qu’il n’a droit à rien ? Et ceci, n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.
Deux remarques supplémentaires.
- Un des effets pervers de ce dispositif, avec une montée progressive du taux des cotisations retraite liées aux augmentations de traitement brut, c’est que, en salaire net, les gains de passage d’échelons déjà souvent bien étriqués seront encore rabotés par l’augmentation induite du taux de cotisation retraite qui résultera de l’augmentation de salaire lié à ce passage d’échelon.
- Si on comprend bien, pour les agents non-titulaires, le dispositif retenu sera distinct puisque calqué sur celui du secteur privé. Ceci introduira une nouvelle rupture d’équité supplémentaire entres les agents publics.
Vous indiquez, Madame la Ministre, que les choix faits par le gouvernement – hausses ciblées des bas salaires, diminution des cotisations retraite – sont plus judicieux que l’augmentation de la valeur du point. La CGT dans cette déclaration, vient déjà d’indiquer que tel est loin d’être le cas.
Un des autres aspects qui contredit vos options est le niveau de pension des futurs retraités. En effet, les mesures que vous prenez n’auront aucun effet positif pour les nombreux partants à la retraite des mois et des années qui viennent. A contrario, l’augmentation de la valeur du point aurait un effet bénéfique sur le niveau des pensions.
D’ailleurs, à force de faire de la valeur du point un élément quasi marginal de la Fonction publique, les résultats sont de plus en plus catastrophiques.
Pour ne s’en tenir qu’à deux exemples, en dépit de vos mesures bas salaires, le sommet de la première échelle de la catégorie C finit aujourd’hui à 15 % au dessus du SMIC ; il y a 20 ans, ce même sommet se situait à 41 % au dessus du SMIC !
Et la fin du premier grade de catégorie B est aujourd’hui à 56 % au dessus du SMIC alors qu’il y a 20 ans, elle se situait à 83 % !
Madame la Ministre, les mesures unilatérales arrêtées par le gouvernement montrent qu’il ne peut rester sourd aux légitimes exigences des agents de la FP et aux mobilisations unitaires.
Si la voie choisie va incontestablement redonner un peu de pouvoir d’achat à une part non négligeable des fonctionnaires, elle demeure pour la CGT insuffisante, parcellaire et, sur le fond, elle emprunte une bien mauvaise direction.
Vous l’aurez donc compris, Madame la Ministre, pour la CGT, l’augmentation de la valeur du point demeure à la fois urgente et incontournable.
Les véritables négociations salariales restent donc à ouvrir le plus vite possible. C’est l’exigence de la CGT. Notre organisation syndicale continuera à prendre toutes ses responsabilités sur ces enjeux cruciaux.
Paris, le 11 juin 2014